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Chant Grégorien Au Thoronet

  • : Le blog de Chantgregorien - les Chantres du Thoronet
  • : A la croisée des traditions orales du bassin méditerranéen, Les Chantres du Thoronet offrent une interprétation très vivante des manuscrits grégoriens les plus anciens. De mars 2008 à décembre 2015, ils ont chanté chaque dimanche à 12h, une messe grégorienne (célébrée en rite ordinaire)à l'Abbaye du Thoronet. Les Chantres enregistrent des disques et donnent des concerts en France et à l'étranger. Facebook: @Leschantresduthoronet
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(Programme des chants de la Nativité, Le Thoronet, 22 août 2013)

Face aux premiers manuscrits musicaux du Xe siècle, on se demande inévitablement à quels sons pouvaient bien correspondre ces neumes ? Un copiste a un jour écrit ce qu'il entendait; comment « réentendre » aujourd'hui ce qu'il a autrefois écrit ?

Or, ce travail de restauration du chant est un travail d'oralité, c’est-à-dire portant sur une réalité sonore vivante, à laquelle se référait la plume de ces copistes médiévaux. Nous ne connaissons pas cette réalité et il nous faut l’imaginer, neuf ou dix siècles plus tard, à partir des signes muets d'une notation...

Mais il s'agit là de fournir un acte de chant, de re-produire un son, et pas seulement d’exhumer un vestige du passé. Certaines tentatives de restauration ont cru pouvoir se passer de cette composante d'oralité, exposant ainsi leur recherche à des extrapolations anachroniques. Comment prétendre retrouver le chant des origines en écartant les procédés déclamatoires mêmes sur lesquels il repose ?

Les livres ne mentionnent les procédés de déclamation et de modulation qu'à partir du IXe-Xe siècle. Le problème était de savoir comment traduire en signes graphiques l'empreinte sonore inhérente à la diction d’un texte chanté, dans toute sa complexité. Les manuscrits révèlent clairement l'articulation entre le parler et le chanter. À travers l'étude de ces premiers signes musicaux on assiste donc, en quelque sorte, au « moment » où la déclamation devient chant. Cette dynamique vocale constitue un mouvement et c'est elle, sans doute - parce qu'elle est l'élément le plus vulnérable du chant - qu'ont cherché à transcrire les premiers copistes médiévaux.

De par son histoire, le grégorien souffre d'une carence de transmission orale. Retrouver le geste vocal approprié nécessite donc l'apport d'éléments issus d'autres traditions orales, où les procédés vocaux ont été transmis oralement de personne à personne, de génération en génération. Mais, remonter vers l'oralité à partir des premiers manuscrits musicaux nécessite, en outre, de connaître les textes sacrés, de méditer les mystères chrétiens. On ne peut saisir la véritable portée de ce chant sans tenir compte de sa teneur spirituelle et de sa fonctionnalité, qui est liturgique. Ainsi, dans ce double mouvement à la fois diachronique et synchronique, le chantre pourra-t-il enfin redonner vie à ce qu'un jour, la plume a figé sur le parchemin... Et les riches mélodies qui ont si longtemps réjoui nos églises et irisé nos campagnes pourront-elles continuer à réchauffer les cœurs et illuminer les visages. A la Noël, le solstice d'hiver étreint la nature en ses mains glacées, mais chaque note de cette musique sacrée vient comme apporter la flamme qui manque au-dehors.

Les chants grégoriens, jouant entre l'ombre et la lumière, sculptent ainsi le visage intemporel - et pourtant si familier - de l'enfant Jésus.

 

Damien Poisblaud

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