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Chant Grégorien Au Thoronet

  • : Le blog de Chantgregorien - les Chantres du Thoronet
  • : A la croisée des traditions orales du bassin méditerranéen, Les Chantres du Thoronet offrent une interprétation très vivante des manuscrits grégoriens les plus anciens. De mars 2008 à décembre 2015, ils ont chanté chaque dimanche à 12h, une messe grégorienne (célébrée en rite ordinaire)à l'Abbaye du Thoronet. Les Chantres enregistrent des disques et donnent des concerts en France et à l'étranger. Facebook: @Leschantresduthoronet
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Les concerts grégoriens à l'Abbaye du Thoronet

 

Le Chant Grégorien est, pour l'Occident, un patrimoine unique en son genre. Chant sacré entièrement voué à la liturgie latine (les grecs ont le chant byzantin), il s'est constitué dès les premiers siècles d'implantation du christianisme en Occident, à partir des apports de l'Orient chrétien, sur fond de pratiques musicales locales.
Progressivement, l'attrait grandissant de notre culture Occidentale pour l'écrit nous a presque fait oublier quel fut le mode de transmission privilégié durant le premier millénaire: l'oralité. C'est le maître qui transmettait le savoir et qui garantissait l'intégrité de cette transmission.
C'est de cette manière que les chantres d'église ont appris le chant grégorien et l'ont transmis aux plus jeunes. La formation d'un chantre durait dix ans! Dix ans pour apprendre l'art de la cantilation, l'art des formules, de la « modulatio », les textes étant censés être connus par coeur.
« Par coeur », « par le coeur » ? La connaissance qui était demandée aux apprentis chantres était une connaissance intime : le chant devait devenir comme une seconde nature.
On ne lisait pas des notes, on apprenait les mouvements de la voix qui étaient propres à produire le texte convenablement. Les tout premiers systèmes d'écriture musicale qui apparurent vers la fin du IXe siècle sont, à ce sujet, très éloquents : ils évoquent bien plus des mouvements de la voix que des notes de musique. Observe-t-on une divergence entre différents manuscrits ? Que l'on s'applique à dire les mots « voce et arte », avec tout l'art du chantre, et l'on verra que, bien souvent, les divergences ne relèvent que de différences de méthode d'écriture des sons. Un copiste estimait qu'il fallait écrire les procédés vocaux qui déterminent tel son, tandis qu'un autre les supposait connus des chantres.
Le retour à l'oralité est donc un maître-mot pour qui veut pénétrer l'âme du Chant Grégorien. Qui dit oralité dit aussi écoute. Difficile d'imaginer aujourd'hui ce qu'entendait un chantre du VIe siècle, de saisir quel était son environnement sonore. Qu'entendait-il en dehors des bruits de la nature, des labours, des forges, sinon les chants qui accompagnaient les travaux des champs et ceux donnés à l'église ? Par ailleurs, jamais il
n'avait vu écrite une seule note de musique : le concept n'existait même pas ! Son espace sonore de référence était donc tout autre; son geste vocal aussi sans doute...
Quelle peut être la pertinence d'un chant sacré de tradition orale pour une époque comme la nôtre, si attachée à l'écrit (à l'image!) et si peu portée vers le sacré ? La réappropriation de notre passé aboutit souvent dans les musées, sous des éclairages valorisants, certes, mais loin de la vie. Et pourtant, on devine au contact de ce chant multiséculaire, quelle âme il forge secrètement, quelle ouverture spirituelle il opère en l'être, quelle relation au temps et à l'espace il renouvelle et redéfinit. C'est l'âme chrétienne qui palpite au coeur de ces notes, tout empreinte de force et de douceur, c'est la vie qui s'écoule tout au long de ces psaumes et de ces mélismes, c'est tout un cosmos enfin réinvesti par la Parole qui se déploie dans le gosier de ces chantres d'église.
Olivier Messiaen pouvait bien dire que « le chant grégorien est le plus beau trésor que nous possédions en Europe »...


Damien Poisblaud

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